Saturday, December 06, 2008

St-Michel sur Orge, novembre 2008



Atelier Pollock




Ici, on parle de Pollock à tout bout de … Du-champ …

Toi, tu vois surtout le chien, son pelage magnifique, son fin museau allongé. Il te renifle, comme toujours la gent canine. S’il vient te voir tout à l’heure, tu lui glisseras un bout de quelque chose en mangeant.

Pollock et toutes ces taches : il devait travailler énormément, sans arrêt ou presque, dans cette obsession : que le jeter de couleurs ou leur simple écoulement depuis une boîte trouée, dessinent de longs linéaments, un réseau archnidéen de liens graciles. Que ces liens unissent des masses, des volumes plus forts de matière colorée. Que de cet ensemble nébuleux ou précis, selon les cas, résulte un sentiment. Lequel ? Tu reconsidères les reproductions posées devant toi : ici, on dirait la carte d’une ville, ou plutôt ce qu’on aperçoit depuis un satellite ; là, la toile évoque les silhouettes confuses de chamanes, de totems, de sortilèges, d’où résulte le canevas d’un rêve, ou plutôt, peut-être, d’un cauchemar naissant.

Tu es là pour expérimenter ce geste : aléatoire que l’on tente de contrôler ou bien détermination inconsciente ? Ou encore projection de couleur au jugé ?

Dehors, le jardin s’éveille au pâle soleil retrouvé. Il est un peu plus de dix heures.










Attaches


Perles ou larmes ?

Chagrin de suie ou rosée d’aube ?

Ta main cherche le sens,

Son geste se fait plus perçant.

Pluie aigüe de noir,

Gouttes en forme de poires.

Les traits hésitent entre pointillés et lignes.


Et toi, devant la figure

Qui peu à peu se fait pure,

Tu aperçois dans le magma

Un sourire, un trait, comme un visage.




Après …










Tu vois, ce canevas de croches noires, de taches, de gouttes ?
Est-ce qu’il n’y a pas un peu de toi là-dedans ?
On dirait une prairie en été, dont les fleurs sont agitées comme un peuple en liesse. Vois les déhanchements de ces signes, leur danse rythmée par les abeilles qui parcourent leurs pétales, leurs corolles, en myriades volantes et bourdonnantes .
Le peuple qui t’habite, qui rêve en permanence d’une myriade de mondes, se trouverait ici, révélé au jour par les ombres mouvantes contenues dans cette feuille si blanche ? Qui rêve qui ? Ces caractères dansants sont-ils la projection de ton esprit ? N’est ce pas eux qui mettent au monde à chaque instant cette personne qui pense et agit, ta personne ? Eux qui ont choisi pour toi le bleu vif, tranchant qui portera ta présence jusque dans la fresque finale ?


*
* *

Chacun a choisi sa place, a repris le pinceau et la couleur pour habiter chaque plage de la grande feuille destinée à préfigurer la fresque.

Regarde à présent ce paysage vibrant de rouge et de bleu, de vert et de jaune mêlés. Arc en ciel de points et de taches, d’incurvations et de polyèdres. Multiples intersections de zébrures fusant à travers l’espace, interpelant la blancheur sidérale du canson. A suivre ces apostrophes rageuses ou juste affirmées, l’œil se perd en contorsions, en mises au point.

Dans cette peinture, chaque personnage a sa place, sa mesure.
De ce portrait bigarré d’un groupe en recherche de lui-même, le canson nous renvoie l’exclamation vigoureuse du trait et de la couleur, à même d’épouser les contours de nos vies.

Feu d’artifice de nos désirs et regrets, tu y perçois la marmite du monde en continuelle fusion. Formes et couleurs te disent que tu y tiens ta place.



Noël – Novembre 2008

Thursday, December 04, 2008

Ciclop Paris - Echange de pratiques d'animateurs d'ateliers d'écriture

Sophrologie et lettre A.


Arrivés ce matin tôt à République.
Attrape ta fatigue, allume la flamme en toi. Au signal, tout tourne rond dans ton corps, dans la cour, le quartier.
Arrimé au sol, ta marche redevient le karaté, instinctivement. Allure et souffle tirent ton esprit v ers le ciel poudré de nuages. Abrité dans ces beaux bâtiments, si on retrouvait la houle de Bretagne, les sommets de l’Himalaya, le flot terreux de la rivière Colorado, le métal de New-York, le sourire fait femme de Paris.
« A » est notre figure du moment, bras et jambes plantés dans la viscérale beauté du monde .


*
* *


Tu habites la cathédrale du monde.
Oui, c’est ça … Ta tête abrite une cathédrale, riche à profusion. Ici, pas de purs croyants, mais des esprits.
Borges, c’était la bibliothèque. Toi, c’est d’abord ce parvis verdoyant, riche en fontaines, en arbres de toutes tailles et espèces.
Puis tu entres par un porche sculpté dans un patio tout en pierres de taille, où des oiseaux chamarrés t’accueillent de leurs interjections.
Par un second porche, tu aboutis à un cloître de belles proportions, intimement relié au flot qui chante en bas de la falaise, s’y mirant comme en une abysse.
Si tu reviens sur tes pas, tu peux pénétrer par la grande porte dans l’ouvrage proprement dit. Homme-mouche, souvent, tu restes pétrifié par l’étendue et le volume qui s’offrent à toi.Par une large béance, ciel et nuages dessinent leurs dentelles, allégeant continument la masse de pierres et de boiseries vers laquelle tu avances maintenant. Et tu penses, comme souvent : « Jardinier, jardinier, petit jardinier du futur suspendu, je rêve de mes dix doigts que je laboure l’avenir du monde », comptine inventée par une vieille nounou, tandis que tu progresses vers le chœur en marbre gris clair, moiré de vert d’eau et de beige forestier.

Cet ouvrage, tu l’as tant rêvé que tu penses y déambuler à loisir, y suspendre ton pas, le reprendre plus tard. Tu as même essayé d’y inviter tel ami ou amie. Mais l’orientation y devient difficile, car à deux, les repères se brouillent. Seuls peuvent vraiment t’y accompagner ceux et celles qui s’abandonnent à ton rêve, dans la confiance massive et chaleureuse de l’amitié. Suspendus à ton bras, yeux mi-clos, ils t’écoutent jardiner le monde, peaufiner le palais de tes inusables splendeurs. A ton bras, ils arpentent en confiance des allées introuvables. , bordées de myriades insensées de plantes, d’animaux, de vestiges. Ils y retrouvent leur enfance, telle petite chaise, telle peluche, tel ami disparu. Puis ensemble, en bon compagnon de route et de rêve, vous décidez de rentrer doucement, de quitter temporairement ce lieu proche et lointain.


*
* *


Tu retrouves ta marche tranquille le long de la Seine, à rebours du courant. Paris défile, de Bastille à Ivry. Fredonnant dans ta tête un air de Miles ou de Chet, tu vois arriver au loin les doux contreforts de verdure de Sénart. Tu n’as pas réalisé que maintenant, tu roules gentiment, que tu as mis en route cet air de jazz.
Arrivée à la maison, et les tiens que tu n’avais pas quittés…


Noël – Novembre 2008 – Conférence du Ciclop